On l'appelle l'Indien : question de look, de philosophie, de comportement... allez savoir ? ... Moi je l'aurais bien appelé Aigle noir ou Tonnerre du ciel, tant son tempérament était contrasté, entre révolte et amitié, entre talent et liberté. Capable de tout dépanner et de tout transformer , Yves l'indien , alias Yves Clément, savait inventer, coudre, assembler, régler, perfectionner les cerfs-volants les plus nobles : du wasseige au plano, du Rokkaku au Cody, du parafoil au flowform géant... Par une chaude après midi de juillet sur le plateau surplombant Manosque, Yves avait solidement accroché son dernier Sacconey ,de plus de 3m d'envergure, à un vieux cadre de moto rouillé abandonné dans un buisson d'épineux occupé à digérer cette indélicatesse écologique. Un joli vent d'Est régulier et que Yves appelait son vent de cinéma, avait emporté à 300 m du sol sa dernière création. Yves, en regardant le travail de ses mains, suspendu dans un bleu presque lavande dans une immobilité parfaite, méditait aux plaisirs simples du créateur face à sa création. Philosophie indienne peut-être, philosophie simplement humaine , certainement, celle qui nous fait prendre du recul par rapport à ce que nous avons accompli de bien. Yves est quelqu'un de bien , comme le dit la chanson et il a du souvent connaitre ces instants de grâce. Aujourd'hui , comme à chacun de ses envols, Yves a rendez vous avec le rapace de cet espace aérien qu'il vient de squatter . Comme les indiens Yves sait qu'il n'est dans ce ciel et sur cette terre qu'invité et qu'il doit composer avec respect avec son hôte "l'aigle, le faucon ou le gypaète". Le cerf-volant est presque à la verticale du squelette de la moto et tire puissamment sur la corde de retenue... un craquement... Yves ouvre un œil au moment précis ou une masse sombre s'envole dans l'azur. Le cadre de moto et le buisson se sont envolés. Quand je vous dit que Yves Clément est capable de tout faire voler. Yves saute sur sa monture, ses santiag, et part en courant derrière l'incroyable attelage. On pourrait encore croire à une histoire Marseillaise ou provençale mais ce mauvais procès on le garde ici pour les parisiens, car cette histoire est une vérité aussi vraie que les cigales parlent à Edmond Pierrazzi, un autre cerf-voliste renommé contaminé , lui aussi, par le galopant indien à la poursuite d'un cerf-volant. Impuissant Yves regarde son cerf-volant, d'une stabilité insolente, tirer de plus en plus fort sur sa corde qui rapproche dangereusement deux des lignes électriques. Un curieux grésillement se fait bientôt entendre qui n'a rien à voir avec le chant des cigales. La moto glisse inexorablement vers le pylône d'acier. Un premier claquement comme un coup de feu... un second claquement plus fort encore... puis un arc fulgurant comme un éclair en plein jour. Le buisson s'embrase instantanément et la moto à demi fondue s'encastre dans le pylône à mi hauteur. En redescendant du plateau, Yves traverse un village fantôme. Le soir tombe la fête foraine de ce beau dimanche est arrêtée... plus de courant.... comme c'est bizarre ! Il y a prescription , aujoud'hui, pour cette histoire qui restera provençale et qui fait partie de notre éternité, celle du long parcours millénaire et planétaire du cerf-volant. Yves l'indien nous a donné mille et une histoires à rêver et à aimer, il est là , bien vivant, dans nos mémoires et dans notre cœur à l'instant où ce 2 avril 2011, lui, Yves l INDIEN a décidé de partir voler en compagnie des aigles.
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